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L'invention du cimetière moderne et de la mémoire des défunts

cimetiere moderne

La nouvelle place des défunts dans nos sociétés

La grande transition funéraire précisément du XVIII et du XIXè s, est un terme pour désigner les moments où les régimes funéraires dominants, à peu près stabilisés connaissent des périodes de mutation, l’expression a été forgé pour désigner une autre invention du cimetière ou une autre phase de son invention progressive, c’est l’invention du cimetière moderne ou contemporain, entre la fin de l’ancien régime et le début du XIXè s, entre 1770 et 1840. C’est à ce moment-là effectivement que l’on arrête d’enterrer dans les églises, il faut avoir à l’esprit à quel point la proximité physique des morts était incroyable.

Sous l’ancien régime, quand on allait à la messe, en 1750 à Paris on avait les morts sous ses pieds, sur les combles, sous les toits puisque souvent on stockait les os séchés dans les combles de l’église, on était immergé dans les morts avec les odeurs terribles que cela comporte. On décide d’arrêter d’enterrer dans les églises, cela se fait progressivement, après 1830 cela devient assez rare en France, quelques passe droits encore, et puis on décide le transfert des cimetières à la périphérie des villes, ce qui est une vaste opération urbanistique qui démarre juste avant la révolution, au début de la révolution, la moitié des villes de France ont déjà transférer, modifier leur cimetière. La transition funéraire moderne est donc cette période avec la naissance du cimetière tel que nous le connaissons aujourd’hui si différent du cimetière du moyen âge.

Décret Impérial sur les sépultures

« Le Décret Impérial sur les sépultures, promulgué le 12 juin 1804 par Napoléon Bonaparte à Saint-Cloud, rassemble toutes les règles précédentes sur les cimetières dans un seul corpus et établit que les tombes doivent être mises en dehors de la muraille de la ville. Le décret établit aussi que les tombes doivent être égales pour éviter discriminations entre les défunts ; sur les tombes des défunts illustres on peut faire sculpter une épitaphe. Donc ce décret a deux motivations : une hygiénique-sanitaire, l'autre de genre idéologique-politique.

Ce Décret fut étendu au Royaume d'Italie par l'Editto “Della Polizia Medica” signé à Saint-Cloud le 5 septembre 1806 » Wikipédia

Derrière ce décret on lance une grande enquête pour savoir quel est l’état réel des cimetières, on photographie le cimetière à la sortie de la révolution, c’est à dire au terme d’une période très difficile, une période où les morts ont été un peu en dés-errance, d’ailleurs le culte des morts au XIXès sera en partie une réaction contre ce traumatisme culturel qu’a été la révolution de ce point de vue-là, et du coup on a énormément d’archives sur les cimetières du début du XIXès, qui décrivent un paysage très contrasté, il y a toute sorte de situations, des particularités régionales et la grande nouveauté sera le fait que ce décret impérial a prévu la possibilité de concessions funéraires c’est à dire que dans ces nouveaux cimetières on va pouvoir non pas acheter des terrains mais ce faire concéder des terrains publics sur lesquels bâtir des sépultures privées et cela va modifier complètement le paysage funéraire et les pratiques liées aux cimetières.

Cimetière et sépultures communes

Que fait-on des morts lorsqu’on les déplace ? Ce n’est pas parce qu’on sacralise des espaces près des enceintes médiévales, des enceintes sacrées des églises, des monastères qu’on n'a pas le droit de bouger les corps, de les mettre ensemble de les rassembler, on peut rassembler des ossements dans des sépultures communes.

C’est d’ailleurs l’un des grands caractères du cimetière médiéval, ces pratiques de manipulations des corps qui tranchent avec ce qui se passait dans les périodes précédentes, on pense à la société romaine, la question de la violation des sépultures, l’interdiction de toucher aux corps du mort, or dans la terre des cimetières les corps sont perpétuellement transformés. L’archéo-tanathologie, branche particulière de l’archéologie et de l’anthropologie biologique, ceux qui étudient les transformations des corps et des éléments qui se trouvent dans la tombe après le processus d’inhumation, ces travaux montrent que c’est progressivement que ces transformations prennent place, dans un premier temps on ouvre une tombe pour y placer un défunt quelque temps, après avoir réduit, selon le terme technique, la sépulture, on rassemble les ossement dans un coin du sarcophage ou de la fosse, ensuite les corps sont simplement superposés, au fur et à mesure que l’on avance dans le temps ils se recoupent, et on en arrive à l’époque du moyen âge central où le cimetière, cet espace composé de corps et d’ossements de corps qui est continuellement labouré, et contrairement à l’erreur commise par beaucoup d’historiens et d’archéologues pendant longtemps, consisterait à penser que ce labour perpétue des corps et des ossements indiquerait une absence de considération pour les corps morts. C’est en fait une autre modalité du rapport au corps mort qui se met en place qui contribue à fondre les corps morts dans une communauté dans une terre sacralisée.

La Toussaint

Cela est possible à un moment où cette fréquentation des cimetières est quasi quotidienne, on passe devant, on passe à côté, et il y a quelque chose qui change fondamentalement lorsque les vivants se déplacent, lorsqu’ils quittent leur terre d’origine et qu’ils reviennent en pèlerinage d’une certaine façon sur les tombes de leurs ancêtres, on a une solennité qu’on ne trouve pas avant, consacrée dans cette visite annuelle à l’occasion de la Toussaint qui change aussi le caractère de ces lieux que sont les cimetières. Cela va être une grande pratique de la religion des morts au XIXè s, à partir du moment où les cimetières ont été mis en périphérie, pour une part, pas tous, aller les voir et on va les voir de plus en plus, suppose se déplacer physiquement, ça créée une sorte de pèlerinage que l’on fait en fonction des grandes dates du calendrier liturgique, mais aussi des dates de la vie privée mais aussi domestique, il y a une nouvelle ritualité, une nouvelle sacralité qui se met en place, ce qui a un peu surpris l’Église au départ mais aussi le législateur, on avait pas prévu que le cimetière devienne un lieu de pèlerinage massif, le nouveau cimetière moderne est créé avant tout pour des raisons sanitaires, pour organiser une combustion des corps plus rapide avec un système de jachère de fosse tous les 5 ans qu’on renouvelle, et puis le législateur de 1804 n'a pas du tout prévu qu’une révolution culturelle énorme va se produire, qui a des racine au XVIIIès et qui produit tous ses effets au XIXè s et qui va complètement transformer à la fois l’application du décret et le rapport au cimetière.

Source : retranscription libre de la Fabrique de l'histoire de France Culture : Que faire de nos morts, les inhumer et peut-être les représenter.

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