Pourquoi avoir peur des cimetières ?

ceremonie-defunt

Fait-il peur ce cimetière ? A t-on peur des revenants ?

C’est une question très sensible au XIXè s, les hommes et les femmes du XIX è s ne sont pas contemporains mentalement de ce point de vue là, c’est à dire que dans les campagnes vous avez un rapport aux morts de type ancien, qui souvent perdure tout au long du XIXè s , de crainte vis à vis des morts et on s’arrange pour qu’ils ne reviennent, on prie Dieu pour qu’il les enferme dans l’au delà, et en même temps il y a toute une religion nouvelle des morts qui se met en place, une religion très affective qui cherche à maintenir des relations avec les morts en dépit de la séparation, cela peut passer par des voies religieuses orthodoxes, ça peut aussi passer par des pratiques nouvelles comme le spiritisme qui arrive des Etats Unis, au milieu de XIXè s, et là on a des communications organisées avec les morts, mais des morts qu’on ne cherche plus à évacuer comme des revenants ou empêcher de revenir, au contraire qu’on cherche à faire revenir pour une sorte de commerce, de dialogue perpétué avec ceux qu’on aime.

Comment les morts sont honorés par les vivants ?

Pour la période du haut moyen âge, la façon dont les vivants habitaient ces cimetières est compliquée à appréhender. D’un point de vue religieux, comme le cimetière est intégré dans l’habitat et autour de l’église, la fréquentation est quotidienne pour aller prier, pour éventuellement aller sur la tombe, ensuite on a aussi toute une série d’activités qui prennent place dans le cimetière parce que dans l’espace urbain c’est souvent le seul , un des seuls lieux libres, il y a une telle densité d’habitats que le cimetière devient un lieu de rendez-vous comme une sorte de place, on y tient des marchés, on y prend des décisions collectives importantes.

On a trouvé en archéologie des traces de silos où on stockait du grains, on parle même de cimetières habités, c’est à dire qu’il y a des maisons installées, donc il y a une proximités entre les morts et les vivants, proximité physique et spirituelle incroyable pour un esprit contemporain. La pensée des morts passe aussi par autre chose que la vue de la tombe, elle passe aussi par toute la célébration liturgique qui est extrêmement importante et qui vient finalement compléter le dispositif mémoriel que représente la tombe et éventuellement une épitaphe et une croix. La tombe pour une grande part des sépultures du moyen âge ne sont pas marquées de manière pérenne, cela peut être un petit tumulus de terre qu’on entoure avec des petits cailloux, comme pour la période carolingienne, même après on peut avoir des dispositifs très simples, le tumulus de terre, ce tertres créé par la terre qu’on remue et qui va progressivement s’affaisser et qu’on ne relève plus, ou une petite stèle, on est devant un champ de morts, rien ne singularise l’emplacement du mort du reste du champ dans lequel il est enterré.

Histoire de famille et place des défunts

Au moment de la stratification des générations, peut être que dans la mémoire de la communauté qui vit sur place on garde le souvenir de l’emplacement et ça on le voit très bien aussi avec des études ethnologiques sur des périodes très contemporaines, qui montrent bien que le fossoyeur connaît parfaitement sa terre et la vitesse de dégradation des corps, et que les familles connaissent parfaitement l’endroit où est enterré le grand-père, l’arrière grand-père, ...Exemple de la Guerre d’Espagne : les gens continuaient à aller fréquenter leurs morts d’une certaine façon, sans pouvoir revendiquer l’endroit où ils étaient parce que simplement c’étaient des républicains qui avaient été tués par des franquistes, mais ils venaient tous les ans poser des fleurs dans cet endroit qui n’avait aucune marque, il y a une mémoire du lieu qui va au-delà du marquage visuel.

Un cimetière sacré vers un cimetière laïc

A partir du moment où le cimetière devient sacré, on a la fois une inclusion des bons chrétiens et une exclusion soit de ceux qui ne sont pas chrétiens à savoir tous ceux qui ne sont pas baptisés, les juifs, les enfants pas baptisés, les excommuniés ou les mauvais chrétiens. Cette hiérarchisation du cimetière c’est ce qu’on remarque lorsqu’on visite ces grands cimetières modernes que nous connaissons tous aux abords de nos villes, au Père Lachaise il y a ceux qui ont des grandes tombes et ceux qui n’ont pas de sépultures qui ont été enterrés à la fosse commune, même si l’individualisation de la mort dans les cimetières modernes est de plus en plus fréquente.

Dans le cimetière du XIXè s il y a la fois un partage confessionnel de l’espace qui va être supprimé en France en 1881 par la troisième république et qui va homogénéisé cet espace en théorie et puis il y a effectivement un partage social parce que dès lors que les concessions funéraires qui sont commercialisées se répandent, à ce moment là une partie croissante des défunts bénéficie d’une sépulture de ce type qui es plus ou moins durable et puis une majorité de français continuent d’être enterrée dans ce qui ne sont plus des fosses collectives mais ce qu’on va parfois appeler des tranchées collectives parce qu’on ne les superpose plus on les met plutôt les uns à côté des autres ce qui n’empêche pas que les gens pèlerinent sur les tranchées collectives , ils savent où dans la tranchée sont enterrés les leurs.

On le voit très bien sous le second empire, c’est là que les pèlerinages deviennent massifs, la presse en parle tout les premiers de novembre y compris à Paris qui n’est pas une ville très pieuse, les gens vont sur les tranchées collectives sur lesquelles ils ont posé un certain nombre d’indices, signes de reconnaissance. Pourtant c’est le siècle, le XIXè s où on va progressivement arriver à la laïcisation des cimetières, on va changer la main de l’autorité qui gère ces espaces. L’église va être écartée de la responsabilité de ces lieux, c’est une sorte d’espace partagé entre l’église et les autorités civiles.

A partir de 1881 en France le cimetière est laïcisé, il l’est plus ou moins en fonction des régions, concrètement on enlève parfois des croix centrales dans les cimetières, par exemple au Père Lachaise on supprime les signes religieux qui sont sur le portail, même si il en reste quelques uns à l’intérieur, de toute façon l’espace lui même de par les concessions, les tombeaux privés est extraordinairement religieux, il y a une forêt de croix dans ces cimetières qui fait que si le carré lui même n’est plus béni dans sa totalité, en réalité il y a une re-sacralisation de ce lieu, cet espace par les tombes privées qui est très massive, qui est très loin d’être dé-sacralisé au XIXè s.

Créamtion et nouvelles formes d'hommages aux morts

De nouveaux modes de la relation aux morts aujourd’hui apparaissent en particulier avec le développement de la crémation qui oblige à ré-aménager les cimetières de façon différente, à créer des columbariums. La crémation est légale en France depuis 1889, mais elle est restée très marginale pendant très longtemps, ça représente 1 % des décès en 1981 tandis qu’aujourd’hui c’est à peu près un tiers des décès et la moitié dans les grandes villes. Ça transforme très profondément le rapport aux morts et aux cimetières et notamment commence à se poser une question nouvelle si devait se développer les pratiques de dispersion des cendres dans la nature, si les morts continueraient à avoir un espace propre comme ils en ont eu un jusqu’à présent, les cimetières ne vont pas disparaître, on va vers une sorte de système pluriel, plus éclaté, d’ailleurs l’Église catholique s’inquiète de cette dispersion des cendres, qu’est-ce que cela va changer au deuil de ne plus avoir d’espace spécifique des morts, si la mémoire des morts n’est plus portée que par les individus privés, par les familles, n’est plus enracinée sur un territoire, cette mémoire des morts ne survivra plus au individus eux-même c’est-à-dire que la profondeur généalogique va se raccourcir, il y a toute une série de conséquences anthropologiques très fortes, et ça c’est la mutation dans laquelle nous sommes embarqués sans trop savoir de quoi elle est le symptôme ni vers quoi elle nous amène.

Ces mutations anthropologiques de longues durées montrent qu’après des phases longues, des phases de bascule d’un système funéraire à l’autre, c’est à dire un ensemble de pratiques faisant système, faisant structure qui s’avère le plus souvent d’ailleurs être des systèmes sociaux qui renvoient à l’ensemble des structures sociales ce qui veut dire qu’il n’est plus pertinent d’examiner les changements funéraires en terme de rupture mécanique renvoyant comme on le faisait jadis à une cause exogène du type l’arrivée des barbares, l’introduction du christianisme, c’est bien la société qui bouge en entier et que reflètent ces transitions longues.

 

Source : retranscription libre de la Fabrique de l'histoire de France Culture : Que faire de nos morts, les inhumer et peut-être les représenter.

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Fait-il peur ce cimetière ? A t-on peur des revenants ?

C’est une question très sensible au XIXè s, les hommes et les femmes du XIX è s ne sont pas contemporains mentalement de ce point de vue là, c’est à dire que dans les campagnes vous avez un rapport aux morts de type ancien, qui souvent perdure tout au long du XIXè s , de crainte vis à vis des morts et on s’arrange pour qu’ils ne reviennent, on prie Dieu pour qu’il les enferme dans l’au delà, et en même temps il y a toute une religion nouvelle des morts qui se met en place, une religion très affective qui cherche à maintenir des relations avec les morts en dépit de la séparation, cela peut passer par des voies religieuses orthodoxes, ça peut aussi passer par des pratiques nouvelles comme le spiritisme qui arrive des Etats Unis, au milieu de XIXè s, et là on a des communications organisées avec les morts, mais des morts qu’on ne cherche plus à évacuer comme des revenants ou empêcher de revenir, au contraire qu’on cherche à faire revenir pour une sorte de commerce, de dialogue perpétué avec ceux qu’on aime.

Comment les morts sont honorés par les vivants ?

Pour la période du haut moyen âge, la façon dont les vivants habitaient ces cimetières est compliquée à appréhender. D’un point de vue religieux, comme le cimetière est intégré dans l’habitat et autour de l’église, la fréquentation est quotidienne pour aller prier, pour éventuellement aller sur la tombe, ensuite on a aussi toute une série d’activités qui prennent place dans le cimetière parce que dans l’espace urbain c’est souvent le seul , un des seuls lieux libres, il y a une telle densité d’habitats que le cimetière devient un lieu de rendez-vous comme une sorte de place, on y tient des marchés, on y prend des décisions collectives importantes.

On a trouvé en archéologie des traces de silos où on stockait du grains, on parle même de cimetières habités, c’est à dire qu’il y a des maisons installées, donc il y a une proximités entre les morts et les vivants, proximité physique et spirituelle incroyable pour un esprit contemporain. La pensée des morts passe aussi par autre chose que la vue de la tombe, elle passe aussi par toute la célébration liturgique qui est extrêmement importante et qui vient finalement compléter le dispositif mémoriel que représente la tombe et éventuellement une épitaphe et une croix. La tombe pour une grande part des sépultures du moyen âge ne sont pas marquées de manière pérenne, cela peut être un petit tumulus de terre qu’on entoure avec des petits cailloux, comme pour la période carolingienne, même après on peut avoir des dispositifs très simples, le tumulus de terre, ce tertres créé par la terre qu’on remue et qui va progressivement s’affaisser et qu’on ne relève plus, ou une petite stèle, on est devant un champ de morts, rien ne singularise l’emplacement du mort du reste du champ dans lequel il est enterré.

Histoire de famille et place des défunts

Au moment de la stratification des générations, peut être que dans la mémoire de la communauté qui vit sur place on garde le souvenir de l’emplacement et ça on le voit très bien aussi avec des études ethnologiques sur des périodes très contemporaines, qui montrent bien que le fossoyeur connaît parfaitement sa terre et la vitesse de dégradation des corps, et que les familles connaissent parfaitement l’endroit où est enterré le grand-père, l’arrière grand-père, ...Exemple de la Guerre d’Espagne : les gens continuaient à aller fréquenter leurs morts d’une certaine façon, sans pouvoir revendiquer l’endroit où ils étaient parce que simplement c’étaient des républicains qui avaient été tués par des franquistes, mais ils venaient tous les ans poser des fleurs dans cet endroit qui n’avait aucune marque, il y a une mémoire du lieu qui va au-delà du marquage visuel.

Un cimetière sacré vers un cimetière laïc

A partir du moment où le cimetière devient sacré, on a la fois une inclusion des bons chrétiens et une exclusion soit de ceux qui ne sont pas chrétiens à savoir tous ceux qui ne sont pas baptisés, les juifs, les enfants pas baptisés, les excommuniés ou les mauvais chrétiens. Cette hiérarchisation du cimetière c’est ce qu’on remarque lorsqu’on visite ces grands cimetières modernes que nous connaissons tous aux abords de nos villes, au Père Lachaise il y a ceux qui ont des grandes tombes et ceux qui n’ont pas de sépultures qui ont été enterrés à la fosse commune, même si l’individualisation de la mort dans les cimetières modernes est de plus en plus fréquente.

Dans le cimetière du XIXè s il y a la fois un partage confessionnel de l’espace qui va être supprimé en France en 1881 par la troisième république et qui va homogénéisé cet espace en théorie et puis il y a effectivement un partage social parce que dès lors que les concessions funéraires qui sont commercialisées se répandent, à ce moment là une partie croissante des défunts bénéficie d’une sépulture de ce type qui es plus ou moins durable et puis une majorité de français continuent d’être enterrée dans ce qui ne sont plus des fosses collectives mais ce qu’on va parfois appeler des tranchées collectives parce qu’on ne les superpose plus on les met plutôt les uns à côté des autres ce qui n’empêche pas que les gens pèlerinent sur les tranchées collectives , ils savent où dans la tranchée sont enterrés les leurs.

On le voit très bien sous le second empire, c’est là que les pèlerinages deviennent massifs, la presse en parle tout les premiers de novembre y compris à Paris qui n’est pas une ville très pieuse, les gens vont sur les tranchées collectives sur lesquelles ils ont posé un certain nombre d’indices, signes de reconnaissance. Pourtant c’est le siècle, le XIXè s où on va progressivement arriver à la laïcisation des cimetières, on va changer la main de l’autorité qui gère ces espaces. L’église va être écartée de la responsabilité de ces lieux, c’est une sorte d’espace partagé entre l’église et les autorités civiles.

A partir de 1881 en France le cimetière est laïcisé, il l’est plus ou moins en fonction des régions, concrètement on enlève parfois des croix centrales dans les cimetières, par exemple au Père Lachaise on supprime les signes religieux qui sont sur le portail, même si il en reste quelques uns à l’intérieur, de toute façon l’espace lui même de par les concessions, les tombeaux privés est extraordinairement religieux, il y a une forêt de croix dans ces cimetières qui fait que si le carré lui même n’est plus béni dans sa totalité, en réalité il y a une re-sacralisation de ce lieu, cet espace par les tombes privées qui est très massive, qui est très loin d’être dé-sacralisé au XIXè s.

Créamtion et nouvelles formes d'hommages aux morts

De nouveaux modes de la relation aux morts aujourd’hui apparaissent en particulier avec le développement de la crémation qui oblige à ré-aménager les cimetières de façon différente, à créer des columbariums. La crémation est légale en France depuis 1889, mais elle est restée très marginale pendant très longtemps, ça représente 1 % des décès en 1981 tandis qu’aujourd’hui c’est à peu près un tiers des décès et la moitié dans les grandes villes. Ça transforme très profondément le rapport aux morts et aux cimetières et notamment commence à se poser une question nouvelle si devait se développer les pratiques de dispersion des cendres dans la nature, si les morts continueraient à avoir un espace propre comme ils en ont eu un jusqu’à présent, les cimetières ne vont pas disparaître, on va vers une sorte de système pluriel, plus éclaté, d’ailleurs l’Église catholique s’inquiète de cette dispersion des cendres, qu’est-ce que cela va changer au deuil de ne plus avoir d’espace spécifique des morts, si la mémoire des morts n’est plus portée que par les individus privés, par les familles, n’est plus enracinée sur un territoire, cette mémoire des morts ne survivra plus au individus eux-même c’est-à-dire que la profondeur généalogique va se raccourcir, il y a toute une série de conséquences anthropologiques très fortes, et ça c’est la mutation dans laquelle nous sommes embarqués sans trop savoir de quoi elle est le symptôme ni vers quoi elle nous amène.

Ces mutations anthropologiques de longues durées montrent qu’après des phases longues, des phases de bascule d’un système funéraire à l’autre, c’est à dire un ensemble de pratiques faisant système, faisant structure qui s’avère le plus souvent d’ailleurs être des systèmes sociaux qui renvoient à l’ensemble des structures sociales ce qui veut dire qu’il n’est plus pertinent d’examiner les changements funéraires en terme de rupture mécanique renvoyant comme on le faisait jadis à une cause exogène du type l’arrivée des barbares, l’introduction du christianisme, c’est bien la société qui bouge en entier et que reflètent ces transitions longues.

 

Source : retranscription libre de la Fabrique de l'histoire de France Culture : Que faire de nos morts, les inhumer et peut-être les représenter.

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